Alain est un explorateur, un curieux, un gourmand. Le jazz, l’Auvergne, la fantaisie, l’improvisation, l’amitié, la fidélité et la moustache sont, entre autres, des repères utiles pour cerner un peu cet étonnant musicien.
Comme la plupart des musiciens qui proposent des chansons pour les enfants, Alain Gibert n’a pas toujours travaillé en direction de ce public et quand il s’y est mis, il a continué ses projets musicaux foisonnants destinés aux plus grands. (1) Sa rencontre avec Steve Waring dans les années 80 a, semble-t-il, été déterminante et les enfants ont depuis ce temps un nouvel oncle ou un nouveau grand-père, ou mieux, un nouvel ami à leur côté qui invente des chansons hors norme et souvent géniales.
Comme d’habitude, je ne vais pas m’attarder sur la biographie de l’artiste du jour. Une discographie commentée qui donne envie d’écouter leur musique est, je crois, ce qui fait le mieux la promotion de mes chouchous. Toutefois je voudrai dire un mot des qualités humaines attachées au travail d’Alain Gibert. Ses thèmes sont souvent très proches de la simple réalité quotidienne; jamais de grandes envolée lyriques sur les grands thèmes sempiternels (la citoyenneté, les différences, les belles valeurs républicaines, etc.) ou à la mode (l’écologie, les pays du tiers-monde, etc. ) . Même quand il s’échappe au pays de l’absurde, il reste près de nous. Ses compositions et ses arrangements sont parfois déconcertants, mais jamais ésotériques. Sa voix enfin, qui n’est ni très puissante, ni très juste, ni même joliment timbrée est d’une sincérité, d’une simplicité magnifique. Il travaille pourtant avec Steve Waring et André Ricros, des voix solides s’il en est, des amis proches aussi qui sans doute auraient interprété les chansons de ses albums avec plaisir. Mais non, il les chante lui-même, comme il peut et c’est bien comme ça.
En fait, il est assez difficile de déterminer avec précision ce qui donne cette impression de proximité, ce sentiment d’avoir à faire à une « belle personne » généreuse et sincère, enthousiaste et fraternelle. Mais qu’importe, tant pis pour les explications, c’est l’émotion qui compte.
(1) : Pour les curieux, allez faire un tour sur le site inmemoriamalaingibert.fr.
Discographie
Voici maintenant la discographie du bonhomme. Savourez bien ses contes et ses chansons, il n’y en aura plus d’autres. Le 23 juin 2013, Alain Gibert est mort. C’est sans doute pour ça qu’il a tant plu cet été-là.
Je ne présente ici que les CD pour le jeune public. Vous trouverez le reste de sa discographie sur le site inmemoriamalaingibert.fr.
Le roi démonté opéra pour enfants
Alain Gibert et Steve Waring
Auvidis 1992
Les deux compères ont écrit un conte malicieux. Steve le raconte et le chante; Alain a composé les musiques. Un chœur d’enfants et une demi-douzaine de musiciens sont à l’œuvre pour réaliser ce beau projet qui fut d’abord un spectacle avant d’être un disque.
L’ombre du zèbre n’est pas rayée
Contes nègres de Blaise Cendrars
Abbi Patrix, compagnie du cercle
Auvidis 1993
Avec son collègue Bernard Chèze, Alain Gibert a composé et interprété la musique qui accompagne les 7 contes qui sont l’objet de cet excellent CD. C’est magistral, jamais invasif, toujours au plus près de la narration et quelle musique !
Pticado
Auvidis 1996
14 chansons pour un album très personnel. À part Christian Ville à la batterie et aux percussions et Steve et Alice (sa fille) Waring qui sont venus chanter quelques notes, Alain Gibert a tout fait tout seul, paroles, musiques, arrangements et tous les instruments. Pour vous donner une idée de l’univers fantaisiste de maître Gibert, je vous détaille le sommaire de cet opus :
Pticado : Pour encourager à aller sur pot.
Néné : Rien ne va chez ce Néné, les vaches ne savent pas ce qu’elles veulent manger, la mobylette ne sait pas quoi boire pour carburer, la machine à laver ne veut rien laver, la moissonneuse- batteuse ne sait pas ce qu’elle veut moissonnébatter etc.
Petit loup : Une berceuse
Le bain : Boire le shampoing, faire pipi, faire des bulles avec les fesses et puis … Mais qu’est-ce qui flotte dans mon bain ! Pas très ragoûtante la chanson, mais tellement réaliste.
Les bisous : Qu’est-ce qu’on achète pour un bisou ? Une petite chanson de rien du tout.
La soupe : Soyons positif, la soupe c’est bon.
Le Léobard : C’est un conte. Le Léobard est un ogre terrible. Marie et Jocelyn, prisonniers du monstre, aidés par Julie, la femme du Léobard, échappent à la casserole en mangeant des tonnes de soupes aux choux -qu’ils détestent. Mais le Léobard déteste aussi et du coup il ne mange pas les enfants.
Les gros rôts : Sans commentaire.
Balalîn balalon : Une petite merveille surréaliste ou la sonorité des mots compte plus que leur sens.
Le rondeau de Léa : Chanson à danser d’après un thème traditionnel.
Marion : Chanson douce pour préparer la venue du petit frère ou de la petite sœur.
Monsieur Singer : Un peu énigmatique, cette chanson est accompagnée au lithophone (Les pierres qui chantent)
Bonhomme hiver : Chanson d’hiver poétique entièrement construite sur une seule rime (« son ») .
L’inspecteur des bébés : Il se prétend sévère, mais c’est le genre d’inspecteur qu’on aimerait rencontrer plus souvent.
Contes du hasard domestique
Modal 1999
Alain Gibert n’est pas que musicien, c’est aussi un excellent conteur. De sa grand-mère qui lui en a raconté beaucoup (en patois auvergnat) lui vient l’envie de raconter des histoires. Il en propose cinq ici de son invention.
L’album se conclut par un message important à l’adresse des enfants : demandez à vos grands-parents de vous raconter toutes leurs histoires. Ça vous fera un stock de base pour réjouir vos petits enfants. Si vous n’avez pas de grand-mère, Alain Gibert vous prête la sienne !
Chansons à dormir couchées 15 berceuses
Modal 2003
Cet album écrit à deux voix avec son complice André Ricros – qui chante et compose ses chansons en occitan – est, à mon goût sa plus belle réussite. Nombre réduit d’instruments (trombone, clarinettes, accordéon diatonique, guitare et quelques percussions), des arrangements qui comme un vêtement léger et élégant habillent au mieux les chansons, des textes tantôt joliment poétiques, tantôt franchement loufoques, voilà en quelques mots ce qui attend l’heureux auditeur qui s’abandonnera à ces berceuses. Cela dit, si toutes les chansons abordent de près ou de loin le thème du sommeil, certaines ont un rythme bien enlevé qui ne favorisera guère l’endormissement.
Jean de la grive conte musical
Musique et arrangements : Alain Gibert / Texte : André Ricros
L’Auvergne imaginée-Victorie musique 2009
Ce disque est la musique d’un spectacle créé en 2006 à Clermont-Ferrand. 7 musiciens jouent, chantent et racontent cette histoire un peu folle. C’est à partir de 6 ans qu’on l’appréciera.
Le conte a de nombreux ingrédients traditionnels : trois frères pour une princesse à marier, un roi, des épreuves, un monstre (le dinocroserpentiyo) qui terrorise la région, un sorcier, une fée, etc.
La musique de maître Gibert est interprétée principalement par des instruments à vent : trombone, saxophones, clarinette, ophicléide, mélodica, cabrette. Un excellent batteur, un poil de guitare basse et voilà.
Catherine Paris chante Madame la poule
L’Auvergne imaginée 2011
(1) : A qui l’on doit « Petite alouette » et « Belles pommes d’or », deux albums sublimes. Je leur ai consacré une chronique au rayon « discothèque idéale ».
Par ailleurs, Alain Gibert a participé de façon déterminante à presque tous les disques de Steve Waring. Outre son travail de musicien interprète – trombone, balafon, guitare, percussions, mélodica et j’en passe – il participe aux arrangements et écrit une partie des textes et des musiques. Il prend même la direction artistique sur certains albums « Le colporteur », « Pouce » ou « rond pays » par exemple.
Les commentaires sont fermés.